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Trouve un titre à cet article

lundi 31 mai 2010, par James

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Hey toi,

J’ai envie de te parler des K9. C’est mon groupe ; on s’appelle les "kill -9" ; on fait du rock. Enfin, on essaie.

Ce groupe est né sans vraie difficulté, à un moment vraiment difficile pour les collègues de ma boite.

Je travaille dans une société de service informatique, la même depuis 9 ans. Je me suis d’ailleurs installé à Nantes pour cette raison. Au fil du temps, nous avons changé de propriétaire pour tomber finalement dans les mains d’un géant américain en 2008. Or, excuse-moi si je fais simple, notre savoir-faire n’intéressait pas cette boite brasseuse de milliards qui a donc décidé de se séparer de nous, peu importe la méthode. C’était le plan social, et la vague de licenciement qui s’ensuit, ou la reprise de l’activité par une autre boite.

Mes collègues sont plutôt des gens tranquilles, pour ne pas dire vaguement bourgeois. Des individualistes convaincus, pour la plupart, éduqués à la sauce libérale et résignés à cela "parce qu’il n’y a pas d’alternative"... Bon j’exagère, certains auraient volontiers voté à gauche aux dernières présidentielles si seulement le PS français n’avait pas proposé « une gourde comme candidate ». On entend des propos assez violent aux pauses café. De la part de personnes qui n’en n’ont même pas conscience.

Pourtant, alors que ça commençait franchement à craindre pour nous, ils ont réagi face à cette situation. Incroyants en matière syndicale, sceptiques à l’idée d’accomplir des actes plutôt radicaux, ils ont choisi de se mobiliser, de défiler, de faire une banderole où ils afficheraient leur colère. Le copain délégué syndical, ses quelques partisans et moi-même marchions sur des œufs. Fallait doser tous nos efforts. Mais quelque part, je sentais que les gens avaient besoin de parler, de se solidariser à quelques choses. Et surtout d’apaiser leurs craintes en se rassurant avec quelques sourires. La marche était silencieuse. Ça plombait l’atmosphère. Certains commençaient à dire que c’était ridicule, que rien ne marcherait.

Et j’ai scandé « http:// » (hache-tété-pé, deuxpoints-slash-slash). Chaque syllabe a raisonné dans le pâté d’immeuble, ça a fait son effet. Et ils ont ri, et ils l’ont repris avec moi. Une impulsion, une intuition, comme je n’en ai pas souvent. Une bête idée qui en a fait germer une autre. Germer, oui, c’était une graine. A planter en plein novembre.

Les collègues qui me reprochent le moins de n’être qu’un bête gauchiste ont apprécié, m’ont dit qu’il fallait en faire quelque chose. J’ai bluffé. J’ai dit qu’on allait en faire une chanson.

Tout le monde a cherché des rimes à l’occasion de grandes pauses où on retrouvait beaucoup plus de gens tout d’un coup. Tu lances une idée, t’en as un qui répond, tu mémorises pour eux, ils rient et ça marche tout seul. Ils ne se rendent même pas compte qu’ils créent, quoiqu’on pense du résultat final. Avec quoi on peut faire rimer le mot slash ? Apache, bash, flash, pour nos références techniques mais aussi vache, malgache, gouache... Et tout ça a pu aboutir à ce texte profond qu’il fallut dès lors mettre en musique. Ah oui, mettre en musique... il fallait des musiciens, et des rockeurs de préférence. J’ai une formation classique, abandonnée depuis longtemps, trop pour faire ça tout seul et puis... y en a qu’en avait envie... Et donc, voilà, tu es là, avec une petite chanson, des gens qui pensent que c’est rien qu’une blague mais qui te suivent si tu dégages ce qu’il faut de foi en toi et en ton projet.

La portée philosophique du texte est telle que sans une mélodie hargneuse, sans un rythme puissant, ça n’aurait pas été très loin, et j’ai donc interrogé très vite chacun de mes collègues pour finalement trouver cinq copains, ceux que tu vois sur la photo. Et l’aventure est devenue collective. Unique objectif avoué, faire un MP3 avec ce titre, le mettre sur Internet pour les collègues. 3 batteurs, dont un qui peut gratter une guitare, un pianiste, un guitariste manouche qui préfère Vincent Delerme à TRUST (n’importe quoi, j’te jure…Antisocial, y a rien de meilleur…), et moi, qui ne sait rien faire. Je m’essaye au chant, j’abandonne illico. Rêvant de tenir une basse depuis 20 ans, je me lance dans les graves, les « gros mi », sans les retenir. Un batteur accepte de chanter, parce qu’il le faut bien et voilà, on peut faire avec les moyens du bord.

Toujours dans la dérision, l’exagération de « notre talent » et de nos perspectives scéniques, on tient nos collègues au courant, quotidiennement, de nos progrès. Et puis le temps et les opportunités de répétition aidant, on s’essaye à des reprises, on finit même par tenir des chansons entières. Ça donne envie à d’autres, qui au détour d’une conversation, nous confie un texte, qu’on met en musique sans vergogne.

Finalement, un repreneur se fait connaître. La boite semble sauvée. Le contexte initial de la création du groupe est oublié. Pour tenir notre engagement, on met en ligne notre chanson, et toutes celles qu’on a été capable de jouer. Succès d’estime, bien sûr. Et là, je me tais. Je les attends. Est-ce que ça a pris ? Au-delà du sentiment d’impuissance que peut laisser une manif’ un peu ratée, mais surtout qui restera en mémoire comme inutile et donc, de cette idée qu’il n’y a pas de projet collectif possible, qu’on-t-il retenu mes chers lascars ? Et là, ils me cueillent. Ils m’invitent à danser. Ils veulent un concert, pour finir en apothéose.

Un peu de galère pour trouver une vraie salle de répétition, on bosse des nouvelles chansons et nous y voilà, c’est le 5 juin. On n’est pas prêts. On s’en fout. On a la patate. C’est tout. On veut faire du bruit, hurler. S’amuser. Et puis après, ça sera fini. Ce n’est pas une fin triste pour autant. On va surement sentir un vide ou une boule dans le ventre dans les jours qui suivront. Mais je sais, et on sait, tous, que ça s’arrête là où ça doit s’arrêter.

Pour ma part, j’espère qu’il y aura communion. Que tous vivront ce concert, non pas comme un énième échec puisque sans suite, mais comme une victoire sur la morosité, l’isolement, le boulot dans son plus mauvais sens du terme. Bref, qu’ils y verront le succès d’un projet collectif.

Alors maintenant, pourquoi je t’ai écrit tout ça ?

Tu vas croire que c’est une tentative pour te convaincre de venir, mais ce n’est pas ça.

Je voulais te raconter un des moments les plus heureux de ma vie alors qu’il arrive à sa conclusion. Je voulais partager avec toi l’espoir qu’il me donne. Celui de faire bouger les lignes. Toutes sortes de lignes. Avant j’étais très rationnel. Athée. Opposé de fait et par principe à toute question qui ne puisse trouver une réponse logique, cartésienne, comme tu dis. Et cette histoire (bon, ok, je suis galvanisé, on pourrait relativiser et les faits et les conséquences) a fait bouger mes lignes. Aujourd’hui, j’accepte l’idée qu’on puisse croire plus qu’on ne peut savoir. Je suis toujours athée. Mais j’ai foi en quelque chose qui vient de nous. C’est cela qui m’autorise à espérer, aujourd’hui.

Portfolio

10 Messages de forum

  • C’est beau. 1er juin 2010 16:00, par davux

    James, cet article est trop beau.

    Je pourrai pas du tout venir le 5 juin, mais j’aurais vraiment aimé, et faute de mieux j’ai fait suivre un peu partout.

  • Trouve un titre à cet article 1er juin 2010 16:00, par kent1

    Moi je code à l’arrache ...

    Et je suis un peu fleur bleu car j’aime bien les fins heureuses...

    Alors je vais venir ... pour contribuer comme je peux :p

    ++

    kent1

  • Trouve un titre à cet article 1er juin 2010 16:51, par Cyril

    Yeah, ça c’est rock’n roll ! Révolution + inspriration ! Plus la petite touche de maturation et de bonification qui vient avec le temps... Y aurait même des vieux rockers qui découvrent du divin dans l’humain ?
    Amusez vous bien samedi, je penserai à vous !

  • Pas mal ton article, mais un poil nombriliste quand même. A t’entendre, on dirait que c’est toi qui as monté le groupe, alors que les véritables fans savent bien que c’est moi l’âme du groupe. N’oublie pas qui a écrit les paroles de Slash, notre tube interplanétaire, et qui a composé la mélodie. Alors, ça te revient ? C’est...? Moi. Voilà. Exactement. Merci pour cette réponse franche et sincère, mon cher bassiste. ^^

    Je n’essaie pas de dénigrer ton implication dans ce groupe ni ton rôle moteur dans sa formation et son année et demi de vie. Pas plus que je ne veux rabaisser la contribution de nos quatre autres camarades (à prononcer avec un accent soviétique, évidemment). Mais je crois dur comme fer que cette œuvre collective est le résultat d’une somme d’accomplissements individuels. Chacun de nous a joué un rôle, chacun de nous a apporté sa pierre à l’édifice, en a été l’architecte autant que le maçon (d’où l’apparence biscornue du résultat). Je trouve très réducteur d’essayer de résumer ce groupe comme étant l’émanation d’un sentiment collectif sociétal et "vaguement syndicaliste". A moins bien sûr de préciser qu’il s’agit là de ta vision très personnelle du groupe, qui ne représente qu’une facette de sa réalité. Ceci dit, il y a de très grandes chances pour qu’une fois de plus je sois complètement à côté de la plaque en ce qui concerne le message que tu as voulu faire passer. Mais tu sais bien que le fait d’être à côté de la plaque ne m’a jamais empêché de dire ce que je pense, même (et surtout) si c’est de la merde.

    Pour en revenir au groupe, en ce qui me concerne, le seul rôle qu’a joué l’entreprise dans laquelle nous travaillons lors de sa création fut celui d’un forum au sens antique du terme, mettant les gens en relation les uns avec les autres autour d’une idée. Le contexte est pour moi totalement annexe et sans intérêt. Kill-9 n’EST PAS un groupe d’entreprise, ni même un groupe de collègues. C’est un groupe de potes. Et il se trouve que les musiciens et l’équipe artistique étendue, ainsi que nos premiers fans, font partie de la même boite. C’est presque un hasard, le catalyseur aurait pu être n’importe quoi d’autre.

    Au final, comme souvent quand je commence à ouvrir ma gueule, tout ça ne veut pas dire grand chose. Seule compte l’œuvre """artistique""" accomplie (trois paires de guillemets c’est pas encore assez mais après ça fait moche). Et puis le fun aussi. Et les bières. Ne pas oublier les bières. Au fait, c’est quoi les notes ?

    Si vous avez aimé mon commentaire, envoyez "Seb est la véritable âme des K9" au 99 999, 0.99€ + prix d’un SMS. Merci pour votre soutien.

  • Trouve un titre à cet article 1er juin 2010 20:12, par tetue

    Oui, très belle histoire. Merde pour le concert. Qu’il soit apothéose magnifique !

  • H T T P : / / 1er juin 2010 20:52, par azerttyu

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  • Trouve un titre à cet article 2 juin 2010 18:48, par Maïeul

    Très beau article qui me fait penser à ces pensée d’un de mes profs :

    La foi guérit lorsqu’elle est précisément cet élan vital, cette force résurrectionnelle qui nous remet debout en nous arrimant à ce qui valide notre vie : une résurrection contre l’inappétence au désir, une insurrection contre ce qui nous bride et nous aliène. La foi n’est donc pas d’abord foi en quelque chose ou en quelqu’un, elle n’est pas prioritairement adhésion dogmatique ou confession religieuse ; la foi est le mouvement même de la vie dans sa lutte patiente et courageuse pour surmonter ce qui nous met en incapacité d’exister. La foi en Dieu est une modalité, parmi d’autres possibles, de cette foi toujours plus originelle par laquelle nous sommes ressuscités au monde et à la vie.

    http://www.evangile-et-liberte.net/...

    • Trouve un titre à cet article 2 juin 2010 18:59, par Maïeul

      par contre où le trouve t-on se tube ? tu pointe pas vers, et une recherche google s’av !re difficile ...

  • Trouve un titre à cet article 3 juin 2010 00:18, par ValK

    Pareil, c’est bien beau de nous faire un super article, forcément personnel puisque dès le début tu dis bien que tu racontes ton histoire (alors les histoires de parternité, hein !)
    MAIS OU PEUT-ON TROUVER CE P*** DE TITRE QU’ON HURLE EN COEUR HTTP :// ? !!!

  • Trouve un titre à cet article 4 juin 2010 11:34, par pascalw

    Une bien belle histoire... hélas ! Triste période. Bien que n’étant plus salarié il m’arrive de descendre dans la rue pour soutenir le combat de ceux qui, comme chez vous, se retrouvent démunis, en colère, avec peu de moyens d’action. Mais les lignes bougent c’est vrai. Ceux qui se croyaient à l’abri commencent à comprendre. Les vieux discours "gauchistes" qu’on qualifiait hier encore de "passéistes" deviennent des prophéties qui se réalisent, là, sous nos yeux. Et ceux qui en riaient il y a quelques mois en pleurent aujourd"hui...

    Tu sais que je dirige une radio un peu gauchiste sur les bords ? Ca serait sympa de raconter l’histoire et de diffuser le morceau. Ca pourrait encourager nos auditeurs qui vivent les mêmes choses actuellement !

    Et pour les fines bouches :
    http://rondcarre.musicblog.be/50896...

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